Mark Hollis
Ou l'art de l'effacement
L’auteur
Frédérik Rapilly est journaliste culturel à Télé 7 jours. Il a écrit plusieurs romans policiers (aux éditions Critic) ainsi que des bios de musiciens.
Le Livre
Courant 2018, après des discussions enflammées avec Frédérik Rapilly, nous nous demandions où était bien passé Mark Hollis, le leader de Talk Talk. Le groupe, dès ses débts, collectionne les tubes électro-pop destinés à concurrencer les groupes calibrés à la Duran Duran. Mais, Mark Hollis, en grand fan de Stockhausen eou Gyorgi Ligeti, n’a jamais supporté les diktats de sa maison de disque, et décide de se dépouiller, d’album en album, de tous ses oripeaux pour atteindre la perfection : le silence.
Mark Hollis fidèle à sa vision, et son éthique, tourne le dos aux succès commerciaux, et en quelque sorte, à toute l’industrie musicale.
Nous n’avions plus de nouvelles de lui depuis son album solo éponyme, paru en 1998.
L’idée et l’envie de publier une enquête sur les traces de Mark Hollis a germé naturellement.
Jusqu’à l’annonce malheureuse de son décès le 25 février 2019.
Ce livre est donc devenu une évidence pour le boulon.
Bien avant que l’on parle de la dématérialisation de la musique, Mark Hollis inventait celle du musicien à la fin des années 1980. D’abord rare, il a fini par s’évaporer.
Entre moments suspendus et explosion de violence, Laughing Stock préfigurait les futures explorations de Radiohead. Elles avaient aussi fasciné Alain Bashung, grand admirateur de Hollis, et influencé son album Chatterton (1994).
Parmi les notables du rock, personne hormis Wyatt n’avait autant fourni d’efforts pour étayer cette thèse selon laquelle la musique commence par l’apprivoisement de toutes les formes de silence, après quoi les notes et les harmonies ne seraient que des façons élégantes d’en souligner les nuances.
Spirit of Eden n’est pas daté : c’est incroyable comme il sonne contemporain, anticipant le post-rock, The Verve ou Radiohead. C’est le son d’un artiste qui reçoit les clés du royaume et revient avec l’art.
Une œuvre glorieusement délicate et naturaliste pour laquelle j’ai du mal à trouver les mots. Mark Hollis m’a touché, influencé et inspiré plus que je ne pourrai jamais quantifier.
La première fois que j’ai écouté Spirit of Eden, j’ai eu l’impression d’avoir trouvé un univers secret, un univers qui contenait quelque chose qui m’avait échappé sans que je m’en rende compte, et qui semblait promettre un moyen de donner un sens au monde.
Tout était improbable dans Talk Talk, du nom du groupe à la trajectoire de Mark Hollis, des tubes planétaires à la place du hasard et du silence dans leur musique. L’une des meilleures choses qui soit arrivée au rock anglais.